Loi relative à la lutte contre la fraude : de quoi ça parle ?

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La Loi relative à la lutte contre la fraude, qui a été officiellement publiée le 24 octobre 2018, abordent de nombreux sujets : renforcement des sanctions en matière de fraude fiscale, renforcement des dispositifs d’échanges d’informations entre les administrations fiscales et sociales, renforcement de la surveillance des plateformes web, etc. Nous vous proposons ici un rapide tour d’horizon…

Lutte contre la fraude : un droit de regard des Douanes sur les logiciels de caisse

L’administration fiscale dispose actuellement d’un droit de communication concernant les logiciels et systèmes de caisse : cela lui permet, sur simple demande de sa part, d’obtenir de la part des concepteurs, éditeurs ou techniciens intervenant sur ce type de logiciels, tous les renseignements relatifs à la conception et à la fabrication de ces logiciels ou systèmes.

Concrètement, cela lui sert à vérifier que, dès l’origine, ces outils ne sont pas conçus pour permettre la réalisation de fraudes fiscales.

Depuis le 25 octobre 2018, un droit de communication similaire est ouvert aux agents des Douanes.

Parallèlement à la création de ce droit de communication, une amende douanière réprimant la diffusion d’un logiciel ou d’un système de caisse ou de comptabilité frauduleux est mise en place : cette amende est fixée à 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou systèmes.

En plus de cette sanction, il est également institué une amende douanière venant réprimer les manquements à l’obligation de communication : l’éditeur, le concepteur ou le technicien qui refuse de transmettre aux agents des douanes les informations demandées s’expose à une amende de 10 000 € par logiciel ou système vendu, ou par client pour lequel une prestation a été réalisée.

Notez que, pour ces 2 amendes, il existe une solidarité de paiement entre les utilisateurs et les diffuseurs (éditeurs, concepteurs, etc.).

Lutte contre la fraude : surveillance renforcée des plateformes web collaboratives

Les particuliers qui utilisent les plateformes web collaboratives pour vendre ou louer des biens (des voitures, du matériel, etc.) ou proposer des services (covoiturage, co-cooking, etc.) sont susceptibles de générer des revenus. Initialement, un encadrement « a minima » du rôle des plateformes avait été mis en place… Des règles qui viennent aujourd’hui d’être renforcées, notamment au regard de l’obligation d’information de ces plateformes, tant à l’égard de l’administration qu’à l’égard de leurs abonnés, notamment en ce qui concerne le montant des revenus générés par les utilisateurs.

En plus de ces obligations d’informations « renforcées », les plateformes web (françaises ou étrangères) dont l’activité dépasse le seuil de connexions de 5 millions de visiteurs uniques par mois (et par plateforme) seront soumises, à compter du 1er janvier 2020, à de nouvelles dispositions en matière de TVA. Elles pourront notamment se voir condamner à payer la TVA éludée par l’un de leurs abonnés à partir du moment où elles n’auront pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser une éventuelle fraude.

Lutte contre la fraude et comptabilité informatisée : l’administration peut procéder à des comparaisons !

A l’occasion du contrôle inopiné d’une comptabilité informatisée, l’administration fiscale est amenée à réaliser des copies des fichiers de l’entreprise, qu’elle n’est, par la suite, pas censée utiliser dans le cadre du contrôle lui-même, sauf en cas d’altération des fichiers intervenue postérieurement à cette visite « surprise ».

Pour les avis de vérification transmis depuis le 25 octobre 2018, l’administration peut consulter la copie des fichiers qu’elle a obtenu dans le cadre du contrôle inopiné et la comparer aux fichiers remis par l’entreprise au jour du contrôle, le résultat de cette comparaison étant « opposable » à l’entreprise. En clair, l’administration pourra parfaitement s’en servir pour fonder d’éventuels redressements, et ce, même en l’absence d’altération des fichiers.

Lutte contre la fraude et opérateurs de télécommunication : un contrôle accru !

Dans le cadre de ses opérations de contrôle, l’administration fiscale dispose d’un droit de communication qu’elle peut exercer, notamment, auprès des opérateurs de télécommunication. Concrètement, ce droit lui permet d’obtenir tous les documents qu’elle estime nécessaire dans le cadre de sa mission de contrôle.

Un droit dont les conditions sont aujourd’hui révisées, et qui peut dorénavant être aussi mis en œuvre par les agents des Douanes.

Lutte contre la fraude : « mieux vaut un bon arrangement qu’un mauvais procès »

Entre autres mesures, la Loi relative à la lutte contre la fraude vient étendre la procédure de flagrance fiscale, réservée jusqu’à présent aux contrôles engagés en matière de TVA, aux principaux impôts et taxes (IS, IR, etc.).

Elle vient également permettre l’utilisation du « plaider coupable » et des conventions judiciaires d’intérêt public en matière de fraude fiscale.

Pour mémoire, la procédure de « plaider coupable » permet à un contrevenant d’obtenir une réduction de peine dès lors qu’il reconnaît expressément avoir commis l’infraction qui lui est reprochée.

Quant à la CJIP (convention judiciaire d’intérêt public) ; il s’agit d’une procédure transactionnelle (inspirée de ce qui se fait aux USA) qui permet à un officier de police judiciaire de transiger directement avec l’auteur de l’infraction, sous réserve d’avoir obtenu l’accord préalable du Procureur de la République.

La Loi permet également l’utilisation de la transaction par les services fiscaux, même en cas de dépôt de plainte au pénal, ce qui n’était jusqu’à présent possible.

Enfin, elle vient mettre un terme au « verrou de Bercy ». Schématiquement, le verrou de Bercy servait à désigner le fait que seule l’administration pouvait être à l’initiative des poursuites pénales en matière de fraude fiscale en choisissant de transmettre (ou non) son dossier au Procureur de la République, après avis de la commission des infractions fiscales.

Dorénavant, les échanges entre l’administration fiscale et le Procureur de la République seront plus fluides puisque, d’une part, ils peuvent échanger des informations couvertes par le secret professionnel et, d’autre part, dans certaines situations limitativement énumérée, l’administration devra dénoncer au Procureur les infractions qu’elle a pu constater.

Lutte contre la fraude = lutte contre le tabac ?

Parmi les mesures adoptées par la Loi relative à la lutte contre la fraude, quelques-unes s’intéressent de très près au commerce du tabac :

  • définition de ce qu’il faut entendre par « détention de tabac à des fins commerciales » : une notion qui peut être utile en cas de contrôle douanier au retour des vacances… ;
  • renforcement des sanctions fiscales pour les personnes qui fabriquent, détiennent, vendent ou transportent de façon illicite du tabac ;
  • obligation faite aux sites web d’informer leurs abonnés de l’interdiction de la vente ou de l’achat à distance de produits du tabac manufacturé ;
  • renforcement des dispositifs de traçabilité des tabacs manufacturés.

Lutte contre la fraude : des sanctions fiscales renforcées !

Depuis le 25 octobre 2018, dès lors qu’une condamnation pénale pour fraude fiscale (punie d’une peine d’emprisonnement de 5 ans et/ou d’une amende de 500 000 €) aura été rendue, le juge pénal devra ordonner l’affichage ou la diffusion de cette condamnation. S’il ne souhaite pas se plier à cette nouvelle obligation, il devra rendre une décision spécialement argumentée.

De même, toutes conditions remplies, les personnes (à l’exception des particuliers) qui sont reconnues coupables de manquements graves ayant entraîné une fraude fiscale caractérisée par un montant de droits fraudés supérieur à 50 000 € pourront voir leur condamnation faire l’objet d’une publication sur le site Internet de l’administration.

D’une manière générale, notez que cette Loi vient renforcer les sanctions douanières applicables à certaines infractions, ainsi que les sanctions pénales applicables en matière de fraude fiscale, qu’il s’agisse de peines d’amende ou de peines d’emprisonnement.

Enfin, une amende est créée à l’encontre des professionnels du droit et du chiffre dès lors que, dans le cadre de leurs activités professionnelles, ils ont permis à leurs clients de se rendre coupable d’une fraude fiscale ou d’une fraude aux prestations sociales.

Lutte contre la fraude et comptes bancaires : attentions aux comptes « détenus » à l’étranger

Dans le cadre de la lutte contre la fraude, le Gouvernement vient de renforcer les obligations déclaratives pesant sur les contribuables en matière de comptes bancaires situés à l’étranger. Dorénavant, il ne faut plus parler de compte « ouverts » à l’étranger, mais de compte « détenus » à l’étranger. De même, il a fait évoluer le critère permettant d’apprécier la durée du délai de contrôle laissé à l’administration.

Lutte contre la fraude : quand les administrations communiquent entre elles…

L’échange d’informations entre les administrations et l’accès des différentes administrations à certaines bases de données dans le cadre de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement est l’un des apports de la Loi relative à la lutte contre la fraude.

Dorénavant, la plupart des agents des différentes administrations (Urssaf, Inspection du travail, Douanes, services fiscaux, etc.) pourront avoir accès, sous conditions, à une multitude de bases de données officielles telles que le FICOBA (fichier national des comptes bancaires) ou le FICOVIE (le fichier des contrats d’assurance-vie) par exemple.

Lutte contre la fraude : rémunérer les dénonciateurs ?

Parmi les multiples dispositions de la Loi relative à la lutte contre la fraude, l’une d’entre elles est particulièrement médiatisée : la possibilité de rémunérer, dans certains cas, les personnes dénonçant les fraudes fiscales. Un dispositif généralisé à partir du 1er janvier 2019…

Lutte contre la fraude : la chasse à la fraude aux prestations sociales est ouverte !

La Loi relative à la lutte contre la fraude est venue renforcer la répression en matière de fraude aux prestations sociales, notamment en prévoyant un doublement des sanctions appliquées dans le cadre d’une opposition au droit de communication exercé par l’administration sociale. Rappelons que, comme en matière fiscale, le droit de communication exercé par l’administration sociale lui permet de récupérer tous les documents qu’elle estime nécessaire à la réalisation de sa mission de contrôle.

Outre le renforcement des sanctions, la Loi ouvre la possibilité à chaque agent des administrations sociales d’utiliser ce droit de communication (ce qui, auparavant, était réservé aux seuls agents en charge du contrôle).

Source : Loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude

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